C’était sa petite main dans la mienne qui m’avait donné la sensation que le monde entier tournait dans cette petite paume, dans ses doigts minuscules et que je serrais la vie entière et toute sa fragilité dans la douceur de la peau. Tu as deux ans, tu es haute comme trois pommes et pourtant tu penses déjà comme une vraie personne, je ne vois pas tellement de différence entre tes raisonnements de petite fille et les miens. Cela me fascine, il y a encore deux ans tu n’existais pas et aujourd’hui comment imaginer le monde sans toi ? Comment expliquer que tout tourne autour de tes yeux écarquillés, que la marche du monde ait changé son cours depuis que tu as bouleversé toutes les priorités, que tu as rétabli le sens, que les égratignures font plus mal quand je les vois sur tes genoux, que j’aimerais te protéger de toutes les éclaboussures, des tempêtes, même si tu saurais très bien faire et glisser entre les gouttes, avec ton inflexible innocence. L’autre jour je te regardais passer commande à la boulangerie, si petite, avec les yeux parvenant à peine à s’extirper du comptoir et de toutes les gourmandises qui illuminaient tes pupilles. C’était un grand moment pour une toute petite fille, tu étais si fière, si vivante. Cette façon de se foutre de tout et de tout trouver grave en même temps, d’être en vie sans savoir comment ni pourquoi, de rire devant une chenille, ce que c’est saugrenu tout de même, tu me donnes tout le temps une leçon de courage, l’audace d’être et pourtant tu ne sais encore rien des combats pour rester soi-même. Pas encore devenu ce que le monde attend, c’est comme ça que je te conserve dans mon coeur, libre de rester cet enfant sauvage et délicat, qui connait tout du reste de l’univers parce-qu’il irrigue en toi comme les petites rivières font les grands fleuves. Le souffle relié au mouvement de la vie, les cheveux défaits parce que tu préfères. J’avais envie de te dire que tu deviendrais adulte mais qu’au fond tu resterais toujours la même, que cela ne changeait rien, c’est la peau qui s’agrandit et c’est la distance entre ce que tu es vraiment et ce que tu n’es pas qui diminue. Ça en vaut la peine tu verras. Pour l’instant tu as deux ans et quand je tiens ta petite main dans la mienne, j’ai la sensation que le bonheur inonde la rue et que le soleil sera chaud à jamais.
Quand je tiens ta toute petite main dans la mienne, je sens toute la fraîcheur de ta jeune vie et une émotion me prend au corps, je ne sens pas de différence entre nos peaux, tu es la chair de ma chair, elles se fondent l’une dans l’autre, aussi naturellement que le soleil se jette dans la mer. Ta jeune vie elle m’entraîne vers le meilleur de moi-même, c’est comme si je t’avais toujours eu près de moi, comment c’était sans toi, c’est comme enlever une dimension à la réalité. Ta présence a rendu beaucoup de choses absurdes, je n’ai plus le temps pour ce que j’aimais bien avant, seulement pour le meilleur, tu m’as rendu pointilleuse, notre temps ensemble est comme un temple sacré que je veux honorer d’une pleine présence. Grâce à toi, maintenant je ressemble beaucoup plus à moi. Pourtant tu sais, il y a l’incertitude qui a crée des allées express dans ma tête et une bonne dose de spontanéité que je retrouve seulement dans tes éclats de rire. Maintenant il y a quelqu’un que je redoute de perdre, quelqu’un qui a besoin de moi, quelqu’un pour qui je tremble en pensées. Il y a cette détermination et motivation décuplée de mieux faire, de progresser. Tu as amené avec toi un élan, l’élan de vie intransigeant et doux à la fois, qui te ressemble avec ton autorité naturelle quand tu me regardes droit dans les yeux et que tu me dis sans mot tout ce dont tu as besoin. Ton inflexible douceur, elle me trouble plus que tout ce que j’ai vu. Il parait que tout le monde vit ça mais moi je me raconte parfois qu’on est les seules sur Terre, comme tous les amoureux s’attristent un peu pour les autres de ne pas ressentir leur feu, le premier feu du monde qui a tout embrasé.
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