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Gare de Lyon



C’était un jour où je sortais du train et arrivais à la gare de Lyon où je réalisais que plus personne ne m’attendrait jamais sur l’autre rive de ma vie, celle qui passe de l’enfance à l’âge adulte. Je passais devant de nombreuses personnes qui elles étaient attendues ou qui attendaient, je trouvais cela beau et émouvant, leurs yeux écarquillés qui cherche l’autre, leur excitation palpable, leur joie et nervosité mêlées, difficilement contenues… Pour moi la suite serait solitaire et j’appris vite à aimer cette solitude. Mais cette sensation qui me prenait toujours au sortir du wagon, comme un mélange d’infini mélancolie et de sensibilité exacerbée, à me surprendre d’espérer un accueil d’une âme amie, d’une étreinte chaleureuse, quelqu’un que je reconnaitrais par le biais de l’émotion plus que de la raison. Comme l’on reconnait des bras, un corps contre nous sans avoir la nécessité de voir le visage, comme l’on reconnait la peau, le parfum, la tête contre l’exhalaison de la nuque et sa chaleur, l’inexplicable lien… Cela n’arrivait jamais, je ne connaissais personne à Paris et je compris par la suite de ma vie que cette émotion détenait aussi une irrésistible sensation de liberté enivrante dont je ne pourrai plus jamais me défendre. Il fut même probable que si j’arrivais à la gare de Lyon à d’autres reprises et que quelqu’un m’y attendait vraiment, je l’aurais trouvé pénible, il aurait troublé ce cérémonial intérieur, il aurait troublé le cours des vannes qui étaient sur le point de céder sur les torrents de mon émotion pour affluer enfin vers d’autres lieux en moi, accablés depuis trop longtemps d’une sécheresse légendaire. Comme il est pénible de devoir retenir des larmes qui étaient sur le point de couler, comme l’accès en sera à nouveau long et fastidieux pour retrouver ce semblant de libération…Cette chose n’existait pour moi qu’en arrivant à Paris gare de Lyon car c’est le chemin que je pris pour sortir de l’enfance à jamais, un ticket pour Paris, pour changer de vie. Moi ce qui m’attendait, c’était le vertige de tous les possibles.


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